par Carole Lévesque
C’est en voulant trouver un raccourci entre les quartiers de Sodeco et Solidere que
Carole Lévesque, alors professeure à l’École d’Architecture de l’Université américaine de
Beyrouth, a découvert Bachoura. Ce secteur, encore en état d’après-guerre, semble avoir été oublié dans la grande opération de reconstruction nationale. Laissé à lui-même, le quartier s’est modifié au fil du temps et des appropriations de la population, créant une autre façon d’utiliser l’espace urbain et d’y vivre. Ces vagues urbains, comme elle les appelle, ces zones qui semblent abandonnées tout en abritant une communauté dynamique, sont la pierre d’assise de ses oeuvres. Dans un travail de documentation visuelle de ce site, dont la transformation est imminente, Carole Lévesque a recueilli des images, mais aussi des anecdotes qui deviennent le matériau principal de son travail. « J’essaie de développer des projets sur des petits lieux propres à ce voisinage, de vraiment partir de leurs histoires, de saisir leur essence en termes de lieux, matériaux et ambiance, de capturer ces moments architecturalement, pour ensuite bâtir ces petits espaces transitoires. »
Les cinq infrastructures mobiles conçues par Carole Lévesque et qui seront présentées sous forme de dessin d’architecture sont de petits lieux imaginés et transportables. « Lorsque Bachoura ne sera plus que l’extension de la nouvelle ville, les infrastructures
permettront aux pratiques bachouriennes de détourner le nouveau paysage. » Ces chambres machines agissent donc comme un témoignage des pratiques urbaines des habitants de ce quartier et reproduisent les qualités des lieux qui les ont inspirées. Par exemple, la Chambre pour partager les choses essentielles s’inspire d’une rencontre de Carole Lévesque avec une vieille dame qui l’invita à partager un café dans sa minuscule résidence pleine de souvenirs précieux. Cette structure en demi-dôme qu’on transporte sur son dos peut se joindre à celle d’un autre porteur et permet, à l’instar de la chambre
de cette femme, l’échange de choses, de paroles et de pratiques essentielles, comme un lieu de rencontre qui disparaîtra suite aux rénovations du quartier. En plus de ces chambres-machines imaginées par Carole Lévesque, une machine à chambres regroupe ses cinq inventions en une seule. À échelle réelle, cette installation mobile peut être
manipulée par le visiteur qui pourra, tour à tour, la pousser, la tirer, la balancer et la toucher et ainsi vivre sa propre expérience bachourienne.
Autour de l’exposition
- Atelier jeunesse animé par Carole Lévesque dans le cadre des Journées de la culture 2011
Carole Lévesque
Une fois diplômée en Design de l’Environnement à l’UQÀM, Carole Lévesque a poursuivi ses études professionnelles en architecture à l’UBC de Vancouver. Suit un stage professionnel dans une agence de New York, puis un retour à Montréal pour s’engager dans un doctorat en aménagement, histoire et théorie de l’architecture à l’Université de Montréal, doctorat pendant lequel elle enseignera l’atelier d’architecture. Au terme de son doctorat, elle devient professeure à l’École d’Architecture de l’Université Américaine de Beyrouth, où elle enseignera pendant trois ans. Elle est maintenant professeure à l’École de Design de l’UQÀM. Ses travaux de recherche et de création s’intéressent aux pratiques et discours qui engagent les notions d’instabilité, d’intervention et d’éthique dans l’enseignement et la pratique de l’architecture et du design. Au centre de ses préoccupations se trouve l’architecture temporaire, de petite échelle, comme outil d’exploration urbaine, d’investigation de questions interdisciplinaires plus larges et comme dispositif pour l’articulation de l’inutile. Elle est l’auteure de À propos de l’inutile en architecture (Paris : L’Harmattan, 2011) dans lequel elle pose que la petite architecture stimule et transforme nos manières d’appréhender l’environnement construit, tel un mécanisme de négociation entre l’individu et la ville.
Crédits photos: @alainlaforest @murielulmer pour l’exposition